pix: gdefon
Cette nuit, j'ai rêvé d'incertitudes, de bizarreries. Je voulais échapper à l'homme, à cette forme sans visage et sans raison. Il y avait du sang sur mes joues, sur mes poings, de l'amertume et de la musique, au loin. Cette même musique qui nous échappe, qui nous aide à nous évader.
J'ai pris la fuite, je ne me suis pas retournée. J'ai rêvé que tout revenait et s'éparpillait devant moi, un sol jonché de déchets. De brefs moments, de désillusions qui s'éclipsent à jamais et puis le soleil, enfin.
C'est un petit matin comme celui ci, frais et ensoleillé. Le soleil est encore orange et les arbres se cambrent sous cette lumière divinement belle. Je me suis perdu dans la cambrure d'un pin aussi solitaire que moi. A sa cime, quelques aiguilles se balance lentement et me rappellent l'océan, le bleu du ciel, de la mer. La vue de là-haut doit être surprenante, lointaine. Il y aurait la vie des autres à reculons, rien de ce qui est ici.
Tandis que la terre se réchauffe lentement, les premières fleurs de pommiers éclosent . Des teintes pastels de rose, de jaune et de blanc de neige parcourent les lignes harmonieuses de ces êtres. La nudité s'éclipse et laisse place à un voile transparent, léger et lumineux. Il y a là le visible et l'invisible de quelques vibrations secrètes qui se condensent au cœur de ce paysage. Et là ou la terre restait muette apparaissent quelques plantent que l'on devine secrètes, quelques violettes qui parsèment le chemin de pierres.
La douce odeur de violette me ramène à mon enfance, au sens de la vie. Un peu cachée, un peu volatile, paisible et intarissable. Il n'y a pas ici une vie mais des vies, enfouies là dessous, sous nos pieds. Si l'on se penche un peu, elles nous apparaissent, sublimes et légères, comme le flottement de l'air. Il y a là les pensées enterrées de quelques dormeurs, celles des promeneurs solitaires qui disparaissent dans l'ombre, de petites choses qui vivent ici, cachée au creux des arbres, sous les feuilles étendues que l'on frôle, à perte de vue. Les éléments s'entrecroisent, se dissipent comme le parfum de cette nature secrète, vont s'évaporer dans nos rêves, dans les profondeur de notre instinct.
Il faut les emprisonner ces rêveries, ne pas les laisser s'effacer de notre mémoire, les garder dans notre poche. La feuille sera peut être de la cendre, la branche n'aura peut être plus la couleur du soleil, mais l'odeur de ce moment, de cette fantaisie solitaire sera bien là.
La fleur de violette est un sillage qui se prolonge à la lueur du jour.