La voilà la mer, belle et ondulée, celle dont je rêvais. A grand pas, je dévale la dune, je virevolte dans les aires et j'attends, je regarde l'étendue, la voile au loin. Je suis revenue. Depuis longtemps je sentais l'envie d'y revenir, de voir à nouveau cette immensité sans nom, de voir l'océan scintiller, m’émerveiller. Je vis, je revis sur cette plage perdue, une île déserte, abandonnée au petit matin. Comme tout est beau. J'aimerais ne jamais oublier cette odeur, les effluves de l'air marin, le chant des mouettes, le vent qui caresse doucement mes joues. Je n'ai qu'une envie : plonger, dans l'eau fraîche, glacée.
Sur la plage, on trouve des coquillages qui ne se ressemblent pas, des couleurs divines, chatoyantes et puis des preuves de vie il y a de cela quelques millions d'années. Des fossiles parfois se dispersent devant la dune et apparaissent devant nos yeux ébahis. Ils sont partiellement détruits mais leur forme, leur beauté nous apparaissent encore. Dans la pierre, sous des tonnes de sable, il y a encore sans doute d'autres beautés de ce genre, des tunnels d'une autre ère, d'une époque qui se veut disparaître sous nos pieds et que l'on détruit à coup de pelleteuse. Plus haut, derrière l'océan, la forêt s'étend encore de milliers d'être au feuillage éparse. Des pins où l'odeur me ramène à mon enfance. Le souvenir d'avoir passé des heures à contempler ces arbres, d'avoir ressenti leur écorce, les effluves qui se baladaient au grès du vent … Tout cela me paraît loin et si proche en même temps. J'aimerais me cacher derrière ces magnifiques conifères et attendre que les gens passent pour me retrouver seule dans la forêt.
Lorsqu'on descend sur la plage après être passé dans la forêt, tout devient alors falaise, dévorée par l'océan, l'érosion. C'est un cadre géologique important, immense même. Malheureusement, les pierres s'effritent, la végétation s'effondre et l'Histoire avec...Je voudrais garder ce lieu en mémoire, l'immortaliser. Je ne sais pas si, dans quelques dizaines d'années, il sera encore là. Moi oui, mes enfants aussi, mais ils ne pourront peut être pas voir ces beaux paysages, ces panoramas somptueux. Mon amoureux prends des photos, mon petit frère ramasse quelques coquilles et puis le chemin continue déviant toute possibilité de garder ce lieu intacte.
La lune est pleine, le ciel se farde de quelques nuages brouillons. Le vent se lève mais quelques rires réchauffent l'atmosphère. C'est la lumière, ce sont les êtres, ce sont les couleurs de ces humains, c'est Isabelle. Elle a les yeux bleus. Et dans ses yeux bleus, on voit bien que le vent part dans une autre direction, que les souvenirs s'entassent peu à peu et deviennent mirages. La nuit est belle, la vie est fragile, comme de la dentelle.
Le jour renaît, la lumière apparaît sur un espace qui aurait pu être l'abreuvoir de dinosaures. Une dune fragile encore et l'océan qui n'en finit pas de s'agrandir. C'est une plage qui apparaît à ceux qui aiment la marche, les découvertes. Un endroit où des petits poissons aux couleurs argentées nagent à vos côtés. Ce sera cette plage, où les vagues ondulent doucement. Celle où quelques kitesurfeurs feront danser leur cerf-volant.
Quitter les grains de sable mais en garder quelques-uns dans les chaussures pour partir en ville. A la rencontre de ceux qui vivent la frénésie de l'horaire, de la rapidité, du « j'ai pas le temps ». Tout est plus grand, étrange et se ressemble. Les gens aussi se ressemblent. Les visages sont figés et demeurent insensibles. Je passerais tout de même des heures à les contempler, histoire de découvrir ce qui les amène à marcher tous du même côté. Comme je pourrais passer des heures au passage du Gois, à prendre en photos les nombreux pêcheurs, ces hommes qui découvrent et redécouvrent leur mer … là où la lumière est divine et donne de la vie à tous ces paysages insulaires. Que devient la ville ? Que deviennent les rues désertes, les plages abandonnées en hiver, l'ombre sous la lumière? Il y a de la vie sur l'île de Noirmoutier, même dans les épaves de quelques bateaux sur le port. Tout le monde vient ici chercher la lumière, contempler la mer, le calme de l'océan. Il est alors étrange de divaguer plus au nord de l'île et de n'y trouver que quelques crabes, quelques mouettes et un chat. Personne ne cherche à découvrir les autres chemins. Alors nous prenons le temps. Mon amoureux cherche du regard une terre lointaine. Moi je voudrais trouver une île déserte et contempler l'espace.
Ah et puis s'il fallait vraiment choisir une ville, je penserais à La Rochelle. Elle, La Rochelle, comme une île mais avec beaucoup de monde. Des rues comme un labyrinthe, des magasins d'art, de l'Histoire, beaucoup d'Histoire. Et puis des bonnes tables, un bon glacier. Fraise-melon-pineau, quelque chose comme çà, avec un léger goût d'amertume quand on pense aux distances, à ce qui ne se fera peut être pas tout de suite. Mais le goût de la découverte en plus. Pourvu qu'il reste toujours en moi ce goût, cette envie de mobilité, de voyager ailleurs qu'ici et là. Intrépide moi, intrépides nous et tous ceux qui ont cette envie qui les dévore. Choisir les chemins comme on choisit le parfum d'une glace...
La mer me manque, ma mère me manque. Et puis tout le monde, tout mon petit monde qui restera éternel en moi, comme une échappatoire, une étape de la vie qu'il faut surmonter, comme une vague qui ne dévoile que l'infini.