Il n'y a pas plus tard qu'hier matin, j'étais encore derrière cette fenêtre à guetter sa venue. Je l'attendais, je scrutais les ronces pendant quelques minutes à chaque heure. Et aujourd'hui, je suis encore derrière cette fenêtre à attendre...mais je sais qu'elle ne reviendra jamais.
Hier j'y croyais encore. Son beau pelage tigré de marron, crème, roux et ses yeux si doux à l'éclat de noisette me laissaient penser qu'il y avait de l'espoir. A quelque chose qui viendrait de là-haut, une aide, une réponse. J'étais tiraillée entre le desespoir et le chagrin; parce que ce n'était pas mon chat, parce que je ne le connaissais pas. Mais je voulais à tout prix le sauver, lui éviter l'inévitable, si cruel …
Deux jours durant, j'ai tenté de le connaître, de reconnaître que quelque chose n'allait pas. Dans sa façon d'être, de marcher, de manger et dans son regard. Je me souviens de ce regard, de cette souffrance déjà rencontrée il y a quelques temps. C'était dans des yeux jaunes.
Je ne savais même pas que c'était une femelle. Je ne savais vraiment rien d'elle. J'aurais voulu lui donner un petit nom, même, lui faire un petit coin rien que pour elle dans notre chambre. J'aurais voulu lui offrir de la chaleur, de la douceur, de l'amour. Sans doute ce qui lui a manqué pendant tout ce temps. Combien d'ailleurs, depuis combien de temps était-elle seule, cachée derrière ces ronces? Je ne sais pas d'où elle venait; le matin, on ne la voyait pas, elle n'arrivait qu'en début d'après midi. Elle était comme tombée du ciel.
Cette nuit encore, j'ai rêvé d'elle. J'ai rêvé qu'elle nous appellait et que, derrière elle, un petit chat noir la suivait. Il montait alors seul sur le toit et rentrait par la fenêtre. Je le mettais sur le lit pour le réchauffer. Et dehors, il n'y avait plus personne, plus l'éclat de noisette caché entre les ronces.
Elle est montée au ciel.
Dans ma vie de jeune fille, j'ai déjà eu 5 chats. Plus ceux que j'ai trouvé et ramené à la maison. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour ces petites bêtes qui me le rendent bien. Et je n'arrive pas à comprendre comment des chats peuvent se retrouver aussi seuls, violentés, oubliés. Je n'arrive pas à comprendre la bêtise humaine.
Un chat abandonné ne cherchera pas à se défendre. Il cherchera plutôt une autre maison, des personnes sensibles à sa détresse où alors se laissera mourir, seul.
Il est difficile de comprendre d'où ils viennent et de savoir ce qui leur est arrivé, mais si vous trouvez un chat, si vous sentez cette détresse en lui, ne le laissez pas seul. Essayer d'en prendre soin, de le comprendre.
Un chat sait parler. Dans son regard, on comprend tout, on sait tout. Le tout est d'apprendre à le connaître.
Regardez ses yeux et il n'oubliera jamais les vôtres.