Dévaler la dune

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Je passe la passerelle de la gare au petit matin. Personne, juste le bruit de quelques moteurs. Des gens attendent à l'entrée de la gare. Vont-il aussi à Quimper ?

Après quelques mois, je retourne goûter à la vie d'une parisienne de Quimper, ma sœur. Avant de ne m'égarer vers la lointaine France, je devais passer la revoir. Je viens donc le temps d'un week-end. Il sera malheureusement trop court.

 

La Bretagne, c'est d'abord un air différent, quelque chose qui se dévoile petit à petit. Doux et capiteux en même temps, comme un parfum qui tient sur le poignet, comme une mer aux reflets argentés. Cette mer, je suis revenue la découvrir, par des chemins différents, des routes inconnues. Ma sœur a hâte de m'emmener vers Treguennec. «  Tu verras, c'est très beau. ».


A peine arrivée, nous partons vers la côte. Le paysage, sauvage, est sublime. Il fait gris mais je ressens l'envie d'en découvrir davantage. Plus loin, la chapelle Saint Vio, une toute petite chapelle Bigoudène où le lichen semble se développer entre les vieilles pierres. La vie ne semble jamais l'avoir délaissée depuis le XVIème siècle. Le calme environnant m'émeut.

 

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Près d'ici, nous découvrons l'observatoire des oiseaux. J'aime l'architecture étrange et moderne de cet observatoire qui tranche avec le naturel du paysage. Je monte les marches en courant...vite, vite, il me faut voir l'immensité de ce paysage. L'océan n'est pas loin. Le vent me décoiffe, me caresse le visage, doucement. J'ai l'impression de m'envoler. Un rêve que je fais depuis longtemps...tel un oiseau, je survole l'océan, j'écume les champs et je me pose où le vent me porte. Je me suis posée ici et le vent tourne à présent.

 

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Des petits chemins cachés entre deux champs de moutons nous mènent à la plage – immense – de Treguennec. Il nous faut monter par la dune pour découvrir l'océan. Nous y sommes. J'aspire à pleins poumons l'air iodé d'ici. Levant les bras vers le ciel, je suis conquise par cet espace, cet instant qui me paraît loin de tout et de tous. Pas une âme à l'infini, juste des voiles. Je dévale la dune comme une enfant, je coure pour atteindre plus vite encore l'immensité. En me retournant, je vois ma sœur respirer ce bonheur iodé. Je la trouve grandit, belle, je comprend son amour pour ces paysages. Le long de la plage, des bunkers sont toujours là, comme échoués depuis des années. Ils sont restés pour ne rien oublier. Ils sont la mémoire de ce paysage, leurs visages. Quelques moules se sont échouées ici, le long de ces immenses blocs de bétons, résistant aux vents. Ces blocs ne sont pas très accessibles. J'aurais aimé les visiter. Étant petite, je me souviens avoir joué les archéologues en me faufilant dans les blockhaus, le long des plages vendéennes. Aujourd'hui, plus personne ne peut y rentrer, à part le sable.

 

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Sur le sable, quelques bouteilles de plastique se promènent. La mer nous les renvoie, elle ne les digère sans doute pas. Nous non plus et nous les ramassons, enfin ce que nous pouvons.

Nous suivons un chemin à travers la dune. J'ai l'impression de marcher dans un désert où seuls les lézards se baladent. Le camp Todt est devant nous. Tel un barrage, ce lieu exprime l'Histoire et les petites histoires laissées par quelques artistes. C'était une usine d'extraction de galets en 1942 et aujourd'hui, un musée mur des taggeurs. La hauteur des graffitis me surprend.

 

Nous repartons vers Treguennec, boire un verre. Nous nous retrouvons devant nos chocolats chauds, un far breton et un brownie. A cet instant, le temps s'arrête. Je trouve ma vie complètement dingue, je retrouve enfin ma sœur après tout ce temps. Je la retrouve comme à Paris, dingue, elle aussi. Il faudrait s'éterniser ici, regarder les gens passer, rire et chanter à la nuit tombée. Mais le temps est infime. Nous retournons à l'appartement. Plus tard dans la soirée, j’écrirai quelques pensées.

Au levé du jour, ma sœur me fait découvrir un chemin qui restera secret. J'ai fermé les yeux longuement en sentant les quelques rayons du soleil me réchauffer. Je revivais hier et je pensais à aujourd'hui. Je voulais rêver et m'envoler une autre fois. Quelque part des formes étranges se dessinent, des objets flottent dans les arbres. Les couleurs tutoient la grisaille et puis tout s'illumine. L'oasis ou le bassin, la maison au toit de chaume ou en pain d'épices. Des moutons bleus, des champignons rouges. La nature dépasse mes fascinations. La nature semble inépuisable.

 

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Puis au deçà, une silhouette lente, usée sans doute, passe sous les gigantesques châtaigniers. Le vieil homme a la canne. Son ombre s'étire au loin ; le vieil homme n'est plus qu'une ombre parmi celles des châtaigniers. J'ai l'impression de le voir encore marcher, de disparaître, au loin.

 

S'ensuivra une autre longue marche dans un endroit lui aussi secret, somptueux.

La Bretagne, comme un vent qui balais les idées mornes, la solitude...C'est une immensité, un long chemin tout de vert vêtu où les arbres naissent et les couleurs jaillissent.

Sur le quai de la gare, je savais que je n'étais pas prête de revenir. Pas prête pour repartir. Loin, loin et longuement, tout nous conduit loin d'ici, de l'autre côté de la passerelle.

 

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Dinah, le chat de ma frangine qui attend ses croquettes!

 


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T
Encore un article fort intéressant ma chère Manu ! Pour commencer, j'apprécie ces premiers mots où tu évoques la fameuse gare de la Roche. Ce qui me rappelle à de très agréables souvenirs<br /> vendéens... Pour la suite bretonne, c'est des souvenirs de classe de mer qui remontent à la surface bien qu'ils soient devenus assez volatiles et éphémères à mon esprit. Je me dis que ce devait<br /> être un weekend intéressant pour découvrir un paysage nouveau et visiblement plein de poésie et de mystère, d'histoires à raconter ou à imaginer, le soir avec ta soeur ou seule, perdue dans tes<br /> pensées...
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M
<br /> <br /> Merci pour ce gentil commentaire très cher chaminou! Oui c'est vrai que c'était un très bon weekend mais trop court...j'espère qu'il y en aura d'autres :)<br /> <br /> <br /> <br />