Les forêts médusées
Mon fils venait de poser ses petits doigts sur le coffre de la voiture, recouvert de fins flocons de neige. « Neige » avait-il dit, pendant que je grattais les vitres. Je n'y avait pas vraiment prêté attention, à ce fantastique moment suspendu que l'on appelle bonheur. J'étais dans mes pensées, ensauvagées par le temps qui courre.
J'avais un rendez-vous, de la route à faire et un détour par la crèche. Pourtant, en roulant, j'ai repensé à ce petit bout d'homme, à ses petits doigts parsemés de sucre glace et ses yeux fixés derrière ses lunettes sur la « neige ».
C'est extraordinaire, ce moment ou l'on ne se rend compte de rien. L'enfant s'émerveillant de la nature qui nous ait offert de regarder...mais nous lui tournons le dos, nous ne la regardons pas. Ou plutôt, nous ne la regardons plus avec nos yeux d'enfant, l'enchantement a disparu.
Tout çà parce que la vie nous dit « vite ! » alors que nous ne pourrons jamais aller au delà de l'essence des choses, de la quintessence du monde qui nous entoure.
Je suis arrivée avec quinze minutes d'avance. Je m'en veux terriblement d'avoir mis fin à cet émerveillement si promptement. « Oui, oui, c'est joli mon chaton, mais là, maman va être en retard. »Peut-être aurais-je pu expliquer à mon rendez-vous le motif de mon retard :
Mon enfant a dit le mot « neige » tout seul, pour la première fois, sans qu'on le lui dise.
Peut être que pour vous, ce n'est qu'une anecdote.
Pour moi, c'est l'immense joie de découvrir mon enfant contempler le monde et, du bout des doigts, toucher la beauté de la vie, existentielle, qui nous paraît si honteusement dérisoire, transparente aujourd'hui.