Les forêts médusées
J'ai rêvé résonnance, mes pas lourds sur les feuilles mortes, cette boue sous mes pieds. Cette terre d'où proviennent les rêves subordonnés des passants, des gens perdus dans ces feuilles. Je descendais la forêt, mes peines se mêlaient à la terre, creusait en sillons, je n'avais pas de doute en moi, juste l'envie de dévaler cette pente. Retrouver le bon chemin. Je croisais les arbres, les contemplais, plongeais dans les méandres des jours sans fin. Ils étaient si beaux, si frêles, si tranquilles. Je les contemplais comme j'aurai dû contempler ma vie, autrement grise. Autrement que l'eau qui tombe du ciel. Si froide. Le chemin traverse les haies de champignons et la vie reprend, là-bas au loin déjà, les fumées qui gondolent les toits oranges de la ville.
La boue était toujours collée à mes chaussures, comme faisant parti de moi. Elle ne voulait pas s'en aller, même en la fuyant, elle revenait sans cesse. Comme la lourdeur de mes pensées, entravées par de longs silences qui n'ont que faire des nuages grandissants. Ils sont pourtant là, au-delà de la cime des arbres.
Les fumerolles se dissiperont elles un jour ?
Pourquoi ne pas écrire sur les forêts ? Pourquoi sur la boue, cette chose qui colle à tout … Parce qu'elle emprisonne les pensées qui nous traversent. Elle nous aide à vivre les choses différemment, frontalement. Il n'y a rien de plus intéressant comme sujet d'écriture que la boue. Il y a de l'or sous cette matière étrangère.
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" Je rêve de lieux ou nul homme n’a marché,
Où nulle femme encore n’a souri ni pleuré,
Ainsi là avec Dieu, toujours, y demeurer,
Et rêver tel qu’enfant doucement j’ai rêvé,
Serein et calme, couché dans un songe éternel,
L’herbe en dessous –par-dessus, l’arche du ciel. "
POEME DE JOHN CLARE