Tout là bas me donnait envie d'y rester, même les sols gris lavés de poussière. Même les nuages aux épaisses fumerolles. Jamais je n'oublierai d'où je viens, des maisons de briques rouges, des carillons qui sonnent comme une comptine éternelle.
Puis ce jour, ou la vie devait être autre et ailleurs, loin de mes prairies, de mes douces nuits. Je suis tombée fragile, comme une baguette de verre qui se plie sous le souffle chaud d'un souffleur de verre. Je suis devenue comme poussière parmi tant d'autres. Nuisible et fantôme à la fois, frêle et monotone de longs mois.
Pourtant, il y avait toutes ces photos accrochées sur un pan de mur, oubliées quelques fois par le regard cerné d'écrans noirs. Que devient-il du nous ? Comme perdu dans un autre monde, perdu dans un univers qui n'est pas le sien, existant parce qu'il le faut, sans autre raison. Il n'y a de résonnance que dans le cœur de l'amant qui veille …
J'avais envie d'écrire sur cet oubli du moi aux confins de l'Avesnois. Cette envie profonde d'y retourner parce que c'est là-bas que mon cœur est resté. Mon cœur d'enfant, expulsé de sa fragile carapace. Mon cœur d'adolescente, vidé de ses longs ruisseaux qui conduisent aux plus beaux paysages.
Parfois, pour ne pas l'oublier, mon cœur d'adulte de la ville se referme et s'isole. Il devient triste et morne, parfois dépressif et se tourne vers les photos d'avant : il vit encore ! Les valves s'ouvrent et le ruisseau jaillit : les veines sont inondées de ce sang nouveau qui s'agite, ce chant étrange qui provient de là-bas et qui expire tout bas « La vie est là, simple et tranquille. »